Si Mia avait su que sa soeur leur donnerait rendez-vous dans les ghettos de Philadelphie, la petite blonde aurait proposé de tous les inviter à manger chez elle. N'eut été de la présence de Lokelas – son petit ami qu'elle avait rencontré grâce à sa soeur – et de celle un peu moins rassurante de ses deux gorilles qu'elle ne voyait pas, mais dont elle sentait la présence, Mia aurait tourné les talons depuis longtemps. Elle était sur le point de suggérer à Lok d’appeler son frère pour savoir où ils en étaient quand la jeune femme entendit la sonnerie de son propre téléphone dans son sac à main. A tout coup, c'était Mackenzie qui disait qu'elle serait en retard. Pour une raison qu'elle ignorait, sa soeur était incapable d'être à l'heure. Sauf en ce qui avait trait aux trucs capitaux. Un crime ou l'heure de son sempiternel café, ça ne pouvait pas attendre, mais le reste? Ça ne comptait pas. Encore heureux que Mackenzie soit tombée sur un homme aussi patient que Makan. Mackenzie était une personne vraiment géniale quand elle décidait de vous donner une chance d'apprendre à la connaitre, mais il fallait vraiment être patient. Et de la patience, il fallait croire que Makan, le frère de son petit ami, en avait des masses. Ou bien était-ce qu'il avait tendance à passer plus de trucs à Mac parce qu'il l'aimait? A vrai dire, Mia ne connaissait pas encore beaucoup son beau-frère et elle espérait pouvoir remédier à ça.

- Ils seront là dans quelques minutes. Ils sortent du métro. Grâce à ton frère, Mackenzie sera – pour une fois – presque à l'heure. dit Mia en rangeant son téléphone dans son sac à main.

Ce problème avec les retards était parfois agaçant, mais Mia ne s'en faisait pas pour ça. Il fallait qu'elle laisse un peu d'espace à sa soeur si elle voulait gagner du terrain sur le projet «Aidan». Certes, Mia avait dit qu'elle ne tenterait plus de faire en sorte qu'ils se voient, mais après y avoir longuement réfléchi, elle avait fini par revenir sur sa décision. Même s'ils avaient du mal à s'entendre et à éviter de vouloir s'arracher les yeux, il n'en demeurait pas moins qu'ils étaient de la même famille. Et qui a dit que la famille parfaite existait, hein? Sa famille était peut-être dysfonctionnelle au maximum, mais il ne serait pas dit que Mia Walker renoncerait et baisserait les bras aussi facilement. Elle leur laisserait le temps de se calmer, d'oublier un peu à quel point leur dernière rencontre s'était mal passée... et elle reviendrait à la charge. L'obstination était un trait typiquement familial et Mia n'avait pas été épargnée. Elle était bien prête à leur laisser du temps, mais un jour ou l'autre, il leur faudrait apprendre à dépasser le stade de «flic versus truand». Mia se demandait cependant comment il lui faudrait procéder, parce qu'elle était bien consciente qu'elle aurait beaucoup de boulot à faire pour être capables de les amener à apprécier le temps qu'ils pouvaient passer ensembles.

Mais l'éternelle optimiste qu'elle était ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle y arriverait. Peu importe le temps que ça prendrait. Elle les aurait à l'usure si jamais c'était nécessaire.

Hormis ça, Mia avait un autre sujet en tête depuis deux jours, soit depuis qu'Aidan lui avait fait une proposition qu'elle ne pouvait refuser. Si la jeune femme oubliait tout le reste, toutes les complications que ça soulèverait, accepter l'offre de son frère était tentante. C'était exactement la solution à tous ses problèmes. Elle pourrait même délaisser son appartement grand comme une boîte à chaussures pour emménager dans le vaste loft qui était au-dessus du salon, loft qui pour le moment servait de salle de repos. Si elle ne pensait qu'à l'aspect pratique des choses, accepter la proposition d'Aidan était la chose à faire. Par-contre, si Mia se mettait à réfléchir à tout ce que ça impliquait, là elle déchantait un peu et c'était ce qui la faisait hésiter.

Déjà que les histoires d'argent et de famille n'étaient jamais compatibles, s'il fallait qu'elle s'embarque dans un arrangement financier avec Aidan, il y aurait fort à parier que Mackenzie ne serait pas d'accord. Non par jalousie, mais par principe. A ses yeux, leur frère était un criminel et même s'il essayait de légaliser le plus possible ses activités, il faudrait que beaucoup d'eau coule sous les ponts avant que la policière n'accepte de lui accorder du crédit. Mais hormis ça, la crainte de ne pas être à la hauteur et qu'Aidan perde une somme folle la taraudait. Tout comme elle savait que son frère avait bien vu qu'elle n'était pas très heureuse de travailler au salon sous les ordres du Dragon. Il ne fallait pas être très maligne pour comprendre que s'il lui avait suggéré de racheter le salon, c'était pour elle, parce qu'il savait que c'était son rêve. Parce que franchement, Mia doutait que son frère aurait eu le désir de devenir propriétaire d'un salon de beauté si ce n'était que parce que sa soeur en rêvait.

Et à cela s'ajoutait un autre problème. Ses parents. Elle ne leur avait pas encore dit qu'elle avait retrouvé son frère, alors encore moins qu'il s'agissait d'Aidan. En ce qui concernait Mackenzie, ses parents étaient au courant et avaient vraiment hâte de faire sa connaissance, mais avec Aidan... Mia ne savait pas comment aborder le sujet. Surtout avec une mère assistante du Procureur de Philadelphie. Et si jamais Mia acceptait la proposition d'Aidan, ses parents voudraient savoir d'où venait tout ce fric, parce qu'ils savaient fort bien que sans leur aide financière elle ne pourrait jamais se le permettre. Pas même un prêt accordé par une institution bancaire.

Enfin! Ça c'était tout un tas de problèmes auxquels elle devrait réfléchir. Si elle acceptait l'offre de son frère.

- Toi, mon petit scientifique préféré... comment t'explique que ma soeur soit systématiquement toujours en retard alors qu'Aidan et moi, on est ponctuels au point d'en être fatiguants? interrogea Mia en se rapprochant de Lokelas, histoire de s'assurer qu'il serait le seul à entendre sa question.

Ne manquerait plus qu'un passant l'entende parler d'Aidan! Même si le nom n'était pas si rare, il ne devait pas y en avoir des tonnes à Philadelphie non plus!